Faire oeuvre de civilisation
Le textile nous entraîne dans un labyrinthe où s'entremêlent petites et grandes histoires, contrées proches ou lointaines, cultures savantes et populaires, passé et présent, fable et réel. Je me sens pétrie de cette Histoire, sans nostalgie, plutôt dans un présent réminiscent.
Les pièces textiles que je crée deviennent l'alibi d'une liberté délimitée de ma personne, elles constituent mon espace d'exploration de la problèmatique des bords et des interfaces, comme un écho à nos frontières singulières et collectives en quête de repères.
La texture du textile intègre le texte, une écriture de symboles civilisateurs. La voix parcourt mes textiles, comme tatouée dans cette seconde peau.
Le textile est un matériau métaphorique unique pour moi. Mes oeuvres, au même titre que les tissus mythiques prétendent à un statut d'objet textuel parce qu'ils portent l'empreinte de ma main, de mon corps tout entier impliqué dans le processus du feutrage des fibres, de ma mémoire aussi.
Dans ce territoire que j'invente, je questionne l'abri, la matrice, la sexualité, la reproduction en une alternance amoureuse du dehors et du dedans. Mes oeuvres, comme une enveloppe, occupent une place charnière entre intérieur et extérieur tour à tour séparés et reliés. Une interface qui me permet de multiplier les surfaces d'échanges, de sensations et de communications. La surface est un miroir où je dépose les traces qui me relient aux autres, le témoignage de l'expérience d'une alchimie qui touche au divin, au sacré.
Mes créations sont une médiation entre mon corps et le corps social.
Je désire que mes oeuvres textiles, seconde peau sur les murs de vos habitations soient la voix d'une complexité voilèe, qu'elles disent le désir de s'insérer dans l'espace sans pour autant s'y dissoudre.
Le feutre, matière que j'élabore à partir de fibres animales dévoile une textilité originaire de toute chose.
Il fait renaître l'homme à son humanité. Je le choisis comme un élément primordial, propre à unir afin de se dégager de tous les processus identitaires de repli sur soi.
Mon travail est une invitation à renouer avec la vie et son partage.
En cela, il est l'art que je propose à mes contemporains.